Sociologue, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris-Est-Créteil (UPEC), Benjamin Ferron vient de publier La communication des mouvements sociaux. Interview.
Quelle est l’image des syndicats dans les médias ?
Depuis la fin des années 1970, il y a une offensive anti-syndicale extrêmement forte qui fait que l’image des syndicats s’est très fortement détériorée au sein des gouvernements, du patronat et des grandes institutions médiatiques que sont en particulier les grandes chaînes de télévision nationales. Le maintien de l’Etat social et des droits des travailleurs acquis de haute lutte depuis un siècle et demi vont complètement à l’encontre des intérêts d’accumulation du capital débridé tel que l’on peut le voir aujourd’hui. Le niveau de précarisation et d’écart de richesse est devenu tel qu’effectivement, comme le disait Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, il n’y a plus qu’une classe sociale qui a une véritable conscience de classe, c’est la grande bourgeoisie. Les autres classes sociales ont largement perdu de leur conscience de classe et de la nécessité de défendre collectivement leurs intérêts.
Que font les syndicats pour rendre leurs actions plus efficaces et améliorer leur image ?
Les directions syndicales cherchent à construire un message unifié destiné à un public extérieur, éventuellement au détriment de dissonances internes ou de la variété des expressions qui peuvent exister au sein même du syndicat.
C’est l’exemple bien connu, étudié par le sociologue Patrick Champagne, d’une manifestation agricole organisée en 1984 au cours de laquelle la FNSEA met en scène le monde paysan comme un monde particulièrement unifié, en ordre de marche très ordonné… alors même qu’il n’y a pas plus éclaté géographiquement que la paysannerie et le monde agricole, qu’il n’y a pas plus divisé politiquement avec une tendance plutôt à droite mais aussi beaucoup d’agriculteurs de gauche et qu’il existe des conditions de vie et de travail extrêmement diversifiées.
Le traitement médiatique des grèves a-t-il évolué et cela a-t-il un impact sur l’image des syndicats ?
Comme l’a montré Claire Sécail, l’image des grèves a évolué au fil du temps. En analysant celle des transporteurs dans les années 1960, elle constate que lors des micro-trottoirs et dans le montage des reportages, la population avait une image plutôt sympathique de ces mouvements. Le montage des reportages donnait une image plutôt favorable des grèves. Aujourd’hui, l’image des grèves la plus fréquemment véhiculée par les reportages télévisés aux heures de grande écoute est celle de preneurs d’otages qui empêchent les personnes d’aller travailler tranquillement. Aujourd’hui, les grèves sont assimilées à une forme d’anomalie, de perturbation de l’ordre social. Cela n’incite pas beaucoup les personnes à intégrer des syndicats dont il est renvoyé une image de gens corporatistes et arc-boutés sur des intérêts passéistes.
Interview réalisée par de Damien ARNAUD et publiée en avril 2025
Cette interview fait partie d’une série de trois interviews. Les deux autres interviews sont consacrées :
- d’une part, aux enjeux, aux outils et aux évolutions de la communication syndicale
- d’autre part, à la relation entre les organisations syndicales et les médias (publication à venir)

